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La Chine censure l’érotisme gay en ligne, un espace LGBTQ+ réduit

La Chine censure l'érotisme gay en ligne, un espace LGBTQ+ réduit

La répression de l’érotisme gay en ligne en Chine

Une vague de répression frappe les autrices de fictions homoérotiques

Plusieurs autrices chinoises publiant de la fiction homoérotique sur Internet affirment être confrontées à des menaces de lourdes amendes et de peines de prison. Cette intensification de la répression, appuyée sur des lois obscures liées à l’obscénité, met en péril un espace déjà restreint où s’expriment les identités LGBTQ+ et les perspectives féministes.

Récemment, les forces de l’ordre ont interpellé de nombreuses écrivaines utilisant la plateforme Haitang Literature City, un site taïwanais spécialisé dans la publication de récits épisodiques de Boys’ Love (BL), un genre érotique centré sur les relations masculines, largement écrit et lu par des femmes hétérosexuelles.

Un genre littéraire entre contestation sociale et censure croissante

Issu des mangas japonais des années 1960 sous l’appellation yaoi, le genre Boys’ Love a acquis une base de fans fidèles en Asie et au-delà, donnant lieu à des adaptations télévisuelles et web.

« C’est une forme de résistance… contre une société dominée par les hommes », témoigne Miu Miu, une écrivaine de 22 ans qui a requis l’anonymat auprès de l’AFP.

Les dernières mesures de répression ont surtout visé des autrices amateurs, souvent non rémunérées pour leurs créations.

En vertu de la législation chinoise, tirer un profit financier de la « diffusion de contenus obscènes » peut entraîner des amendes et des peines de prison. Les cas qualifiés de « graves » peuvent être punis jusqu’à dix ans de détention. Le seuil de « gravité » est atteint si l’œuvre génère au moins 10 000 clics ou permet de percevoir plus de 10 000 yuans (environ 1 400 dollars).

Bien que la loi exclue les « œuvres artistiques ou à valeur artistique », cette appréciation reste à la discrétion des forces de l’ordre.

Un cadre juridique flou aux conséquences sévères

« Les règles sont obsolètes », déplore un avocat défendant l’une des autrices poursuivies, qui a requis l’anonymat pour éviter d’éventuelles représailles. Il souligne : « La perception de la sexualité par le grand public a évolué depuis 30 ou 40 ans ».

Une autrice contactée par la police affirme avoir perçu seulement 2 000 yuans pour deux romans comptant 72 chapitres au total, et ayant recueilli environ 100 000 vues. Elle s’interroge, dans un message publié sur Weibo : « Est-ce que 100 000 personnes ont vraiment lu mon œuvre comme ils le prétendent ? Vont-ils vraiment me condamner à trois à cinq ans de prison ? »

Une méthode contestée : la “pêche en eaux lointaines”

La répression a ravivé les critiques à l’encontre d’une pratique policière controversée : la « pêche en eaux lointaines », où des policiers mènent des enquêtes hors de leur juridiction pour des raisons financières.

Cette approche permet aux autorités locales, souvent en manque de fonds, de saisir les biens des suspects dans d’autres provinces. « Les policiers découvrent que ce type de cas peut leur rapporter », explique Liang Ge, maître de conférences en sociologie numérique à l’University College de Londres.

Dans un cas, un officier venu de Lanzhou, dans le nord-ouest, a parcouru 2 000 kilomètres jusqu’à une ville côtière pour interroger une autrice. Conduite au poste, elle a été interrogée durant plusieurs heures et reste aujourd’hui en liberté surveillée, risquant néanmoins des poursuites pénales qui compromettraient son avenir professionnel dans la fonction publique ou le secteur hospitalier.

Une autre jeune écrivaine de 20 ans a reçu une convocation policière l’obligeant à parcourir des centaines de kilomètres depuis Chongqing jusqu’à Lanzhou. Sur place, les enquêteurs lui ont suggéré de « restituer les revenus illégaux » pour bénéficier d’une éventuelle clémence.

« C’est une pratique profondément malsaine », commente l’avocat, rappelant que Pékin a émis plusieurs directives pour l’interdire.

Un climat d’oppression généralisée pour les LGBTQ+

Pour les militants, cette répression s’inscrit dans une stratégie plus large de marginalisation des expressions LGBTQ+, intensifiée sous la présidence de Xi Jinping.

L’homosexualité n’a été dépénalisée en Chine qu’en 1997 et retirée de la liste des maladies mentales en 2001. Le mariage entre personnes de même sexe reste interdit et la discrimination demeure omniprésente.

La montée en popularité du genre Boys’ Love, parfois simplement suggestif, parfois explicite, s’est accompagnée d’une censure croissante. Les adaptations télévisées réécrivent souvent les relations amoureuses en simples amitiés, les romances homosexuelles étant bannies à l’écran.

En 2018, une écrivaine connue sous le pseudonyme de Tianyi a été condamnée à plus de dix ans de prison pour avoir gagné 21 000 dollars avec un roman homoérotique mettant en scène un enseignant et son élève.

L’an dernier, dans la province d’Anhui, les tribunaux ont traité 12 affaires liées à la diffusion de contenus obscènes à but lucratif, selon les archives publiques, qui ne précisent pas les verdicts.

« Beaucoup de gens en Chine ressentent un rétrécissement constant de leur espace d’expression », observe Liang Ge, également lectrice de Boys’ Love. « Ce n’est plus seulement une question de publication en ligne, c’est aussi celle de ce que l’on peut lire dans son intimité. »

Une expression menacée mais pas abandonnée

Face à la répression, de nombreux utilisateurs de Haitang ont fermé leur compte. Pourtant, Miu Miu refuse de renoncer à ses projets : « J’espère encore pouvoir terminer mes histoires préférées », confie-t-elle.

Et d’ajouter : « La connaissance sexuelle est devenue taboue. C’est une prise de conscience sociale. »

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