Dans les discussions sur le genre, la performance et les cultures LGBTQIA+, deux termes reviennent fréquemment : travesti et drag queen. Bien qu’ils soient parfois confondus dans les médias ou par le grand public, ces deux notions sont en réalité bien distinctes. Leur confusion peut entraîner des malentendus, voire des stigmatisations, qu’il est important de déconstruire.
Dans cet article complet, nous allons explorer les définitions, les origines, les pratiques et les implications sociales et culturelles du travestissement et du drag. L’objectif est de mieux comprendre ces identités et expressions artistiques, sans amalgames, avec respect et clarté.
Le mot « travesti » vient du latin transvestire, signifiant « changer de vêtements ». Le travestissement désigne donc le fait de s’habiller avec des vêtements associés au genre opposé à celui attribué à la naissance. Historiquement, cette pratique a existé dans toutes les cultures : dans le théâtre élisabéthain, où seuls les hommes jouaient, même les rôles féminins, dans certaines cérémonies traditionnelles d’Afrique ou d’Asie, dans la littérature, où les héroïnes se déguisent souvent en hommes pour échapper aux normes sociales.
Aujourd’hui, être travesti signifie généralement porter des vêtements associés à un autre genre, sans pour autant changer son identité de genre. Autrement dit, une personne travestie n’est pas nécessairement transgenre. Par exemple, un homme cisgenre qui aime s’habiller en femme pour sortir en soirée ou dans l’intimité, ou une femme cisgenre qui adopte un look masculin dans une logique de subversion ou de confort. Importantly, le travestissement ne suppose pas une orientation sexuelle particulière. Il peut concerner des personnes hétérosexuelles, homosexuelles, bisexuelles, etc.
Une drag queen est une personne (souvent un homme cisgenre) qui se met en scène dans une exagération volontaire du genre féminin, à travers des costumes, du maquillage, des perruques, et une attitude stylisée. C’est une performance artistique, souvent humoristique ou critique. Les drag queens parodient, exagèrent ou glorifient les codes féminins : talons hauts, robes scintillantes, maquillages outranciers, gestuelles dramatiques et voix modulées. Le drag est intimement lié à la culture queer et LGBTQIA+. Il s’est popularisé dans les ballrooms new-yorkais, notamment dans la communauté noire et latine des années 1980. Aujourd’hui, les drag queens sont des militantes culturelles, qui questionnent les normes de genre, des artistes de scène dans des bars LGBTQ+, des émissions comme RuPaul’s Drag Race, ou des festivals queer, des personnalités publiques, incarnant la diversité, la subversion, et l’humour.
Il est possible qu’un travesti soit aussi drag queen, ou qu’une drag queen soit également une personne trans. Ces catégories ne sont pas exclusives, mais elles ont des fonctions sociales différentes.
À l’inverse de la drag queen, un drag king est une personne (souvent une femme ou une personne non-binaire) qui exagère les codes masculins dans un but de performance artistique. Vêtements amples, barbe collée, postures viriles, parodie du machisme, du pouvoir masculin, des figures viriles comme le cow-boy ou le rappeur. Les drag kings sont moins représentés médiatiquement, mais jouent un rôle essentiel dans la diversification des expressions de genre sur scène.
Il est essentiel de distinguer le travestissement de la transidentité : une personne transgenre ressent une discordance entre son genre assigné à la naissance et son genre ressenti, ce qui peut impliquer une transition médicale, sociale ou légale. Un travesti peut conserver son genre assigné tout en portant des vêtements associés à un autre genre, sans désir de transition. Réduire les personnes trans à des « travestis » est une erreur grave, souvent discriminatoire. Il s’agit de deux réalités totalement distinctes, bien qu’elles touchent toutes deux au genre.
Dans de nombreuses sociétés, le travestissement a été condamné : par les lois (interdiction de porter des vêtements « du sexe opposé »), par les religions (référence à l’Ancien Testament dans certaines lectures), par la psychiatrie qui le classait comme un trouble du comportement jusqu’à récemment. De leur côté, les drag queens ont longtemps été rejetées par les institutions culturelles, reléguées à des cabarets underground ou à la marginalité. Mais depuis les années 2000, les droits LGBTQIA+ progressent, les arts queer gagnent en visibilité, et des figures comme RuPaul, Pabllo Vittar ou Bianca Del Rio ont démocratisé le drag.
L’émission RuPaul’s Drag Race (2009) a joué un rôle majeur dans la diffusion mondiale du drag : compétition artistique entre drag queens, valorisation de l’esthétique, du lip sync, de la couture, messages de tolérance, d’acceptation de soi et de sororité. Mais cette visibilité a aussi des limites : standardisation du drag autour de modèles américains, invisibilisation des drag kings ou des drags trans, marchandisation du queer.
Le travestissement est souvent utilisé dans les films ou sketchs comme ressort comique, l’homme en femme pour faire rire (Madame Doubtfire, Tootsie, Les Tuche), ou pour piéger autrui (La Cage aux Folles). Ces représentations peuvent renforcer des stéréotypes : que le travesti est « ridicule », que changer de genre est forcément une tromperie. Un enjeu important est de normaliser ces pratiques sans moquerie, en les montrant sous un jour plus diversifié et authentique.
Ces notions ne sont pas neutres : le drag noir ou latino porte une histoire politique forte, les femmes racisées dans le drag sont souvent marginalisées, le travestissement dans certaines cultures est lié à des rites religieux ou sociaux (ex : hijras en Inde). Une approche inclusive doit croiser les luttes : genre, orientation, origine, classe sociale.
Mieux distinguer les termes travesti, drag queen, drag king ou transgenre permet de respecter les personnes concernées, de lutter contre les discriminations, de déconstruire les stéréotypes genrés, et de valoriser la richesse des expressions identitaires et artistiques.
La confusion entre travesti et drag queen est fréquente, mais elle repose souvent sur un manque de connaissances ou sur des représentations simplistes. À travers cet article, nous avons exploré les origines, les intentions et les contextes qui différencient ces deux figures. Comprendre leurs spécificités permet non seulement de mieux communiquer, mais aussi de contribuer à une société plus inclusive, respectueuse de toutes les formes d’expression de genre.