Une histoire singulière devenue phénomène
Les deux volets de « Les Crevettes pailletées », disponibles sur Netflix, sont de retour sous les projecteurs. Cédric Le Gallo, co-réalisateur du projet, et Geoffrey Couët, l’un des acteurs principaux, reviennent sur le parcours étonnant de ces comédies à succès. Alors que la représentation LGBTQ+ dans le cinéma français a longtemps été marginale, quelques œuvres comme « Gazon Maudit » (1995) ou « Pédale douce » (1996) ont marqué les esprits. Il aura fallu attendre deux décennies pour qu’un nouveau projet enflamme le public — contre toute attente.
Une idée audacieuse qui séduit les producteurs
En 2017, Cédric Le Gallo travaillait pour « 50 minutes inside » sur TF1. Rêvant de passer derrière la caméra, il souhaitait mettre en scène une comédie inspirée de son club. Très vite, des producteurs ont cru en cette aventure haute en couleur, mélange de road movie queer à la manière de « Priscilla, folle du désert » et de film de sport autour des Gay Games en Croatie. Mais le projet a pris une autre dimension lorsque Universal a manifesté son intérêt pour sa distribution.
« C’était un coup de cœur irrationnel », raconte Le Gallo. « Avec du recul, je me rends compte que le projet était improbable financièrement, il ne rentrait dans aucune case. »
Un casting audacieux pour une aventure collective
Malgré toutes les incertitudes, le financement de trois millions d’euros a été rapidement réuni. Un casting mêlant jeunes talents et visages familiers a été formé : Nicolas Gob incarne l’entraîneur hétéro, Alban Lenoir prête ses traits au charismatique Jean, et Geoffrey Couët se glisse dans la peau de Xavier, un personnage haut en couleur.
« Xavier avait un côté vulgaire qui m’effrayait au départ », confie Couët. « Mais j’ai compris qu’il fallait des figures flamboyantes pour faire bouger les lignes. Cela a été un vrai déclic pour moi, et m’a renforcé personnellement. »
Un succès populaire et un impact médiatique
Entre scènes aquatiques, chorégraphies et compétitions sportives, le tournage a été intense. Pourtant, Le Gallo ne doutait pas de son film : « Je savais que ça allait marcher. C’était le film que j’aurais aimé voir plus jeune : avec des héros gays positifs qui montrent que la vie peut être géniale. »
La suite lui a donné raison : une avant-première géante au Grand Rex en 2019, une critique globalement enthousiaste, et 600 000 spectateurs en salles. Mais c’est surtout la Une de L’Équipe, avec une photo de baiser entre Le Gallo et un de ses coéquipiers, accompagnée du titre « Embrassez qui vous voudrez », qui a marqué un tournant.
« À ce moment-là, le film dépassait le cadre du cinéma. Il portait un message fort contre l’homophobie dans le sport », se remémore Le Gallo. « Universal à Hollywood a vu cette Une, et nous a aussitôt demandé si une suite était prévue. »
Un second film plus engagé
Le défi a été relevé avec La Revanche des Crevettes pailletées, une comédie tournée en Ukraine mais se déroulant en Russie, avec une tonalité plus politique. Le film aborde frontalement les questions d’homophobie dans un contexte hostile, tout en conservant l’humour et les personnages du premier opus.
Sorti dans un contexte difficile en avril 2022 — entre confinement, guerre en Ukraine et météo estivale — le film a enregistré près de 150 000 entrées. « C’était une période compliquée. Je pensais qu’il fallait une sortie hivernale. Là, il faisait 26°C et la guerre venait d’éclater », explique Le Gallo.
Un avenir encore ouvert pour les Crevettes
Les deux films viennent d’être ajoutés au catalogue Netflix, une étape que Le Gallo savoure : « Ils sont disponibles comme dans une bibliothèque, accessibles à tous. » Cela ne signifie cependant pas la fin de l’aventure.
Le réalisateur imagine déjà un futur prolongement sous forme de série télévisée : « Les films explorent surtout les événements collectifs. J’aimerais approfondir la vie quotidienne des Crevettes, leur boulot, leur intimité. Il y a un vrai potentiel. »
Une équipe toujours partante
Geoffrey Couët, maintenant investi dans des projets documentaires et artistiques, reste enthousiaste : « J’adorerais retrouver les Crevettes ! Ce qui me reste, au-delà des tournages intenses, c’est une vraie amitié et une immense fierté. Je suis curieux de voir ce qu’ils sont devenus. »
De nouveaux projets autour du sport et de l’identité
Cédric Le Gallo planche aussi sur son prochain long-métrage, toujours en lien avec l’univers du sport et de l’homosexualité. Ce nouveau projet mettra en scène un huis clos autour du coming out d’un joueur de football, un sujet encore tabou dans le milieu professionnel. « Il y aura de l’humour, mais ce sera très différent des Crevettes. J’espère pouvoir tourner début 2025. »
Les Crevettes pailletées et sa suite ne sont pas seulement des comédies populaires : elles sont devenues, à leur manière, des œuvres militantes, portées par l’audace, l’humour et une sincère volonté de changer les regards.
Italian 
French