Mariage gay effacé d’un film en Chine par l’IA: manipulation de la réalité actualités.

Une manipulation invisible mais bien réelle

La censure en Chine a une fois de plus frappé, cette fois en utilisant l’intelligence artificielle. Le film d’horreur australien « Together », réalisé par Michael Shanks, a vu une scène de mariage gay être transformée en un mariage hétérosexuel dans la version diffusée en Chine. Grâce à l’IA, l’un des époux a été remplacé par une femme, de manière imperceptible. Cette altération illustre une nouvelle forme de censure, plus subtile mais tout aussi idéologique.

Initialement, « Together » présentait une photo de mariage entre deux hommes, portant des alliances. Cependant, pour obtenir l’approbation de l’Administration nationale du cinéma chinois, l’autorité chargée de superviser la diffusion de tout contenu audiovisuel étranger, cette représentation LGBTQ+ a été numériquement supprimée. Cette approche va au-delà de simples coupures ou de scènes raccourcies ; elle dissimule les réalités de manière invisible. Ce n’est qu’en comparant les images avec celles diffusées à l’étranger que les internautes ont découvert la manipulation.

Une technologie au service de la normalisation politique

Cette opération souligne une utilisation inquiétante de la technologie comme moyen de contrôle culturel. Comme le souligne la sociologue Ruha Benjamin dans « Race After Technology », les outils numériques « ne sont pas neutres: ils reproduisent et amplifient les hiérarchies sociales ». Dans ce cas, l’intelligence artificielle ne crée pas une nouvelle représentation, mais efface une réalité jugée indésirable par le régime chinois.

Cette pratique n’est pas isolée : depuis des années, Pékin influence le contenu hollywoodien. Le documentaire « Hollywood sous influence chinoise » (Arte, 2022) révèle comment des films tels que « Transformers: L’Âge de l’extinction » ont été modifiés pour complaire au régime. D’autres productions ont également vu leurs dialogues ou intrigues modifiés, comme « Bohemian Rhapsody » ou « L’Aube rouge ». Cependant, l’IA ouvre désormais la voie à une réécriture discrète, invisible et donc bien plus dangereuse.

L’IA, nouvel outil de censure globale ?

La chercheuse Shoshana Zuboff, dans son ouvrage « The Age of Surveillance Capitalism » (2019), met en garde depuis longtemps contre les dérives du numérique dans le contrôle social. Ce qui se passe en Chine pourrait préfigurer la censure de demain : non plus simplement interdire un contenu, mais le remodeler à volonté. Effacer un baiser homosexuel comme on efface un mot dans un texte, c’est aussi effacer une existence, une représentation.

La sinologue Aynne Kokas, dans « Hollywood Made in China » (2017), souligne qu’il ne s’agit plus seulement d’accéder au marché chinois, mais de se conformer à une vision du monde dictée par Pékin. Cela devient un modèle que d’autres régimes pourraient suivre. Derrière chaque image modifiée se cache une idéologie normalisatrice, visant à imposer une version lisse et conforme de la société.

Vers un cinéma à la carte… sans minorités ?

Cette affaire s’inscrit dans une stratégie plus large de répression des identités LGBTQ+ en Chine. Depuis 2021, les campagnes contre les « hommes efféminés » visent à renforcer une vision traditionnelle de la masculinité. Toute représentation queer est activement écartée. L’intelligence artificielle devient ici un outil au service d’une politique qui efface les différences et homogénéise les récits.

Cependant, le danger dépasse les frontières chinoises. Si chaque pays commence à recevoir une version personnalisée d’un même film, nettoyée de tout contenu jugé « sensible », que restera-t-il du cinéma en tant qu’espace universel d’expression ? On pourrait imaginer un monde où un couple gay disparaît d’un film en Chine, une militante féministe d’une version diffusée ailleurs, ou un personnage noir dans un autre marché encore. Une fragmentation culturelle où les minorités seraient systématiquement invisibilisées.

La manipulation de « Together » dépasse le simple cas de censure : elle marque une nouvelle ère où l’intelligence artificielle permet de réécrire la réalité à des fins idéologiques. Une réalité inquiétante pour la liberté d’expression, la diversité culturelle et la représentation des identités sur les écrans du monde entier.