Plongée dans l’homophobie intériorisée au sein de l’armée américaine avec « Boots » sur Netflix
La série Boots, récemment lancée sur Netflix, prend source dans l’expérience de Greg Cope White, ancien Marine et auteur de The Pink Marine, un livre autobiographique. En huit épisodes, la série narre le cheminement de Cameron, un jeune gay en secret, qui s’engage dans le Corps des Marines des États-Unis aux côtés de son ami Ray. L’intrigue se déroule au début des années 1990, époque où l’armée interdisait explicitement l’homosexualité, précédant ainsi la politique « Don’t Ask, Don’t Tell » de 1994. Ce cadre oppressant sert à explorer la masculinité toxique, les brimades institutionnalisées et surtout, l’homophobie intériorisée dans un milieu où toute déviation de la norme hétérosexuelle est vue comme une menace.
Le reflet brutal d’un conditionnement identitaire
Dès son arrivée au camp d’entraînement, Cameron réalise rapidement qu’il devra cacher son orientation sexuelle et afficher une hypermasculinité ostentatoire. Il s’efforce de démontrer sa virilité à travers des prouesses physiques, voire des défis absurdes, comme le concours de celui qui produira les selles les plus impressionnantes du régiment. Pour modéliser ce processus psychologique, Boots adopte une approche narrative innovante : le protagoniste échange régulièrement avec une version alternative de lui-même à l’écran. L’acteur Miles Heizer (Love, Simon) incarne ainsi deux faces de Cameron, illustrant le conflit intérieur qui le tourmente durant sa formation militaire.
Un procédé narratif offrant une profondeur émotionnelle certaine. Cameron-le-Marine, de plus en plus formaté par les contraintes du système, converse avec Cameron-le-jeune-homme-gay, aspirant à vivre librement. Dans une scène particulièrement émotive, alors que l’un envisage sérieusement de faire carrière dans l’armée, l’autre se demande : « Et moi, que vais-je devenir ? » Une question chargée de sens, soulignant le sacrifice identitaire imposé par l’intégration dans une institution fondamentalement hostile à la différence.
Entre répression et acceptation : un dilemme identitaire
La série éclaire le dilemme auquel est confronté Cameron : s’adapter à un modèle viriliste ou être fidèle à lui-même. Cette dualité est représentée par deux personnages clés : le sergent Sullivan, figure du militaire dur, soupçonne rapidement l’orientation de Cameron grâce à un « gaydar » particulièrement aiguisé et semble prendre plaisir à le pousser à ses limites ; en contraste, Jones, une nouvelle recrue arrivée en cours de route, symbolise une sérénité assumée. Lui aussi homosexuel, il devient un appui pour Cameron. Lorsque Cameron lui demande comment il fait face à la peur d’être découvert, Jones répond avec assurance : « C’est simple, peu importe où tu es, comporte-toi comme si tu étais à ta place. » Un enseignement de confiance en soi, utile bien au-delà du cadre militaire.
Réflexion sur l’homophobie intériorisée dans un contexte militaire
En traitant avec nuance un sujet rarement abordé : l’homophobie intériorisée dans un contexte militaire, Boots se distingue nettement. En exposant le conflit intérieur de son héros et les mécanismes d’oppression systémique, la série ne se contente pas de critiquer ; elle incite à réfléchir aux choix dictés par les normes sociales et aux voies de résilience face à l’exclusion.