Une vague de haine suscitée par des publications d’extrême droite
En juillet 2023, lors de la reconnaissance de sa pièce Carte noire nommée désir au Festival d’Avignon, Rébecca Chaillon, autrice et metteure en scène queer et noire, a été violemment ciblée par une campagne de cyberharcèlement. L’intensification de ce harcèlement coïncide avec deux publications sur les réseaux sociaux, signées Gilbert Collard, ancien eurodéputé d’extrême droite, et Éric Zemmour, ex-candidat à la présidentielle. Bien qu’ils n’aient pas assisté au spectacle, ils ont commenté une image tirée de la pièce, représentant des bébés blancs et métis embrochés sur un balai, l’accusant de promouvoir un « racisme anti-blanc » et une incitation à « génocider les blancs » respectivement.
Ces interprétations ont suscité une tempête de commentaires haineux sur les réseaux sociaux. Le journal Libération a rapporté certains de ces messages, d’une extrême violence, incluant des menaces explicites ainsi que des remarques racistes et sexistes. En réponse à cette situation, Rébecca Chaillon a déposé plainte contre X pour cyberharcèlement et apologie de crimes contre l’humanité. Son avocat, Raphaël Kemp, a dénoncé un racisme « décomplexé ».
Sept accusés comparaissant devant le tribunal correctionnel de Paris
Le 22 octobre, sept individus âgés de 45 à 70 ans ont dû s’expliquer devant la 17ᵉ chambre correctionnelle du tribunal de Paris, suspectés d’avoir pris part à cette campagne haineuse en ligne. Parmi eux, Florence, 70 ans, a reconnu avoir écrit, suite au message de Gilbert Collard, un commentaire parlant de transformer les corps des artistes en « tapis », affirmant que ses propos n’étaient que provocateurs. Elle avait déjà tenu des propos violents, notamment à l’encontre de la maire de Paris, Anne Hidalgo.
Marc, 64 ans, s’est défendu en expliquant qu’il avait réagi « à chaud » après avoir découvert l’image sur un groupe Facebook, s’exclamant : « Foutez-moi toute cette merde hors de mon pays ». Philippe, 69 ans, bénévole au sein d’un tribunal de commerce, a accepté le caractère provocateur de ses propos, tout en accusant le réseau social X (anciennement Twitter) de manipuler ses utilisateurs. Au terme de l’audience, le parquet a proposé des peines de trois à six mois de prison avec sursis pour les accusés.
Les répercussions sur Rébecca Chaillon
La campagne de harcèlement a eu un impact psychologique significatif sur Rébecca Chaillon, qui a évoqué ses problèmes de santé lors de l’audience : tachycardie, insomnies, anxiété continue et peur d’agression, jusqu’à la crainte d’utiliser son téléphone. « Je ne sais pas si c’est réparable », a-t-elle confié, selon l’AFP.
Un appel à l’action au-delà du système judiciaire
Aujourd’hui, l’actrice et metteure en scène Adèle Haenel, également lesbienne, a manifesté sa solidarité avec Rébecca Chaillon dans un message Instagram, traduit en anglais. Elle encourage à aller au-delà des actions judiciaires en donnant davantage de visibilité aux œuvres qui représentent une diversité, appelant à repenser des représentations toujours influencées par l’héritage colonial.
Le verdict de cette affaire est attendu pour le 16 décembre.
