Laurence Chanfro, une artiste lesbienne honorée par Marseille malgré les polémiques
Une pionnière militante inscrite dans la mémoire de la ville
Pour la première fois, Marseille donne le nom d’une personnalité LGBTQI+ à un lieu public. Ce 26 avril 2025, à l’occasion de la Journée de la visibilité lesbienne, la passerelle qui relie la rue d’Aubagne au cours Julien a été baptisée du nom de Laurence Chanfro, artiste, militante et figure historique du militantisme lesbien marseillais. Une décision saluée par les associations LGBTQI+, mais qui a aussi suscité de vives réactions dans les rangs conservateurs.
Une vie dédiée à l’art et au militantisme
Née à Paris en 1959, Laurence Chanfreau, dite Chanfro, s’était installée à Marseille où elle s’est imposée comme une voix incontournable de la scène queer dans les années 1990. Architecte de formation, elle s’est illustrée à la fois comme artiste plasticienne et militante, notamment à travers son engagement au sein d’Act Up-Marseille, qu’elle a présidé entre 1994 et 1996.
Elle a également cofondé Aux 3G, le seul bar lesbien de la ville, devenu un lieu de sociabilité incontournable jusqu’à sa fermeture à l’automne 2024. Membre active du conseil d’administration du Festival de films gays et lesbiens de Paris, elle s’est toujours battue pour donner une place visible aux femmes lesbiennes dans l’espace public et culturel.
Un art cru et sans concession
À travers ses photographies de vulves et d’éjaculations féminines, ses courts-métrages radicaux et frontaux, Laurence Chanfro a voulu rompre avec les représentations traditionnelles de la sexualité féminine. Son œuvre, souvent provocante, se voulait avant tout introspective et politique. « Quand tu es lesbienne, comme tu n’as pas de modèle, tu es obligée d’inventer ta vie érotique », expliquait-elle dans un portrait publié en 2005 par Les Inrocks.
Son art, revendiqué comme non pornographique, interrogeait la jouissance et les tabous autour du corps féminin. Elle y évoquait aussi les violences qu’elle avait subies, abordant de front le thème de l’inceste, alors encore largement passé sous silence.
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Une reconnaissance posthume controversée
Décédée en 2012 à l’âge de 53 ans, Laurence Chanfro avait mis fin à ses jours pour, selon ses proches, « mettre un terme aux souffrances provoquées par la maladie ». Douze ans après sa disparition, la mairie de Marseille a choisi d’honorer sa mémoire en inscrivant son nom dans la ville.
Une décision portée par Sophie Roques, adjointe au maire chargée de l’état civil, et présidente de l’association Homosexualité et socialisme. « C’est la première fois que Marseille rend hommage à une personne LGBTQI+ de cette manière. Il était temps que la deuxième ville de France s’engage », souligne-t-elle.
Mais cette initiative a rapidement été la cible de critiques de la droite et de l’extrême droite. Stéphane Ravier, conseiller municipal et ancien proche d’Éric Zemmour, a dénoncé un « choix malsain et décadent », allant jusqu’à ironiser en proposant de la nommer « passerelle de la Vulve ».
« Elle en a remué plus d’une »
Pour ceux et celles qui l’ont connue, comme Anne Vial, aujourd’hui conseillère municipale, le souvenir de Laurence Chanfro est celui d’une femme libre et profondément inspirante. « Je ne suis pas sûre qu’elle aurait aimé qu’on dise d’elle qu’elle était un modèle, mais elle en a remué plus d’une, c’est sûr », confie-t-elle.
L’opposition, bruyante mais minoritaire, n’a pas empêché le vote de passer. En quelques minutes, malgré les invectives, la passerelle Chanfro est devenue réalité. « Ils sont dépassés par ce qu’est Marseille », lâche Sophie Roques. « Ils sont d’un autre siècle. »
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